Coronavirus : « Je suis tombée amoureuse de la lecture »… Comment la crise sanitaire a boosté la soif de lire de certains ados
Des sorties réduites, des activités culturelles et sportives suspendues, une vie sociale plus réduite… La crise sanitaire a bouleversé les loisirs des adolescents. Et si beaucoup d’entre eux se sont réfugiés sur leurs écrans pour trouver un peu de réconfort, certains ont découvert le plaisir de la lecture ou s’y sont adonnés plus qu’à l’accoutumée.
Caroline, 16 ans, fait partie de ceux que la crise du coronavirus a transformé en lecteurs, car ils étaient à la recherche de nouvelles activités. « J’ai commencé pendant le premier confinement. Je n’aimais pas forcément avant, mais n’ayant rien à faire, j’ai essayé et puis je suis tombée amoureuse de la lecture. Je passe environ une dizaine d’heures par semaine à lire. Je me suis récemment munie d’une liseuse, donc je le fais en version numérique. Mais j’achète encore énormément de livres. J’ai commencé à compter, depuis le 1er janvier 2021, combien de pages j’ai lues. J’en suis à plus de 1.700 pages tournées », annonce-t-elle fièrement.
En fouillant dans la bibliothèque…
Chez les adolescents qui aimaient déjà bien feuilleter avant la crise, le fait de passer plus de temps à la maison a avivé leur envie. A l’instar d’Arthur : « J’ai toujours beaucoup lu, mais c’est vrai que le confinement m’a fait davantage lire. J’ai lu notamment L’horloge de vie, de Marc Couvreux, que je conseille ! ». De son côté, Justine, 11 ans, est carrément devenue une lectrice compulsive depuis un an : « Je lis un bouquin et cinq BD par semaine. J’ai découvert les livres qui traînaient dans la bibliothèque et qui appartenaient à ma sœur. Et comme mes parents avaient peur que je m’ennuie et que je passe trop de temps sur les écrans, ils m’en ont offert plein depuis un an ».
Josse, 14 ans, passe aussi beaucoup plus de temps à tourner les pages qu’avant : « Je lisais un livre tous les deux mois avant la crise. Mais depuis, mon rythme, c’est plutôt deux livres par mois pendant la période scolaire et un livre par semaine pendant les vacances ».
« Il y a un véritable engouement autour des livres inspirés de séries Netflix »
Cette passion de certains adolescents pour la lecture, Coline Jason, professeur documentaliste au collège Jules Ferry de Mantes-la-Jolie (Yvelines), était aux premières loges pour la constater lorsque son établissement était encore ouvert : « Les élèves étaient très demandeurs, notamment de mangas. Ils avaient un véritable engouement pour L’atelier des sorciers, car le personnage Coco leur plaît beaucoup. Ils adorent aussi la BD Louca (Dequier) et se battaient pour avoir les tomes suivants. Plébiscite aussi pour Zombillenium (Pins). Cette année, les livres dont on est le héros, comme Loup-garou (Moon) ou Les larmes de Nuwa Jurdic) marchent bien aussi. Et il y a un véritable engouement les livres inspirés de séries Netflix, comme The witcher (d’Andrzej Sapkowski) ou Strangers things (de plusieurs auteurs selon les tomes) ».
Car les adolescents ont des goûts éclectiques, souligne Olivier Couderc, porte-parole du Centre national du livre (CNL) : « Ils lisent aussi bien des classiques, en raison des lectures imposées par les enseignants, que des mangas, de la BD, des comics, de l’heroic-fantasy, de la science-fiction… Les prescriptions de lectures leur proviennent aussi bien des amis, des réseaux sociaux (#BookTok sur Tik Tok), des youtubeurs (comme le compte "Le souffle des mots" d’Audrey) ». C’est le cas de Justine, qui passe d’un genre à un autre pour varier les plaisirs : « J’ai dévoré les 9 tomes du Journal d’Aurélie Laflamme (Desjardins), j’ai aussi lu Le journal de Cléopâtre (Diglee), les Harry Potter (Rowling), Les trois mousquetaires (Dumas) et même plusieurs Agatha Christie. En BD, j’ai adoré Le journal d’Esther (Varin, Sattouf), Les quatre sœurs (Rigal-Goulard), Les profs (Pica, Erroc), Les petits mythos (Larbier, Cazenove). Pour les choisir, je regarde la quatrième de couverture pour voir si l’histoire m’inspire et si le style d’écriture me plaît », explique-t-elle.
« A chaque fois que je lis, j’ai l’impression d’être dans ma bulle »
Josse, lui, fait carrément le grand écart : « Depuis un an, j’ai lu des classiques que j’ai trouvés chez moi : Germinal (Zola), Le lys dans la vallée (Balzac), Eugénie Grandet (Balzac), Le comte de Monte-Cristo (Dumas), Un sac de billes (Joffo), Le journal d’Anne Franck. Mais aussi des ouvrages économiques comme La richesse des nations (Smith), Le Capital (Marx), Capital et idéologie (Pïketty). Et quand je tombe sur des notions que je ne comprends pas, je regarde des vidéos de vulgarisation sur Internet. Récemment, je me suis mis à la philo, en lisant Le monde de Sophie (Gaarder) et L’existentialisme est un humanisme de (Sartre). Je vais chercher des mots dans le dictionnaire et je surligne les passages qui me plaisent. En parallèle, je lis des mangas comme One Piece (Oda) ou Death note (Ōba) ». Caroline, elle, a des goûts littéraires assez différents des ados de son âge, qu’elle assume pleinement : « Je lis principalement de la psychologie et la psychanalyse, mais aussi des biographies ou des histoires vraies ».
Leur point commun à tous reste le plaisir qu’ils trouvent à feuilleter : « La lecture est pour eux un moyen d’évasion », résume Olivier Couderc. Ce que confirme Justine : « A chaque fois, j’ai l’impression d’être dans ma bulle, mon monde ». « Cela permet de ne penser qu’au livre, à son histoire, de prendre du temps pour moi », témoigne Caroline.
Reste à savoir si leur plaisir des mots restera une fois la crise sanitaire passée. Josse y croit : « Après, je continuerai, car j’aime encore plus ça qu’avant. La preuve : je participe à des groupes de discussions sur Discord où l’on débat de nos lectures ». Justine pense aussi poursuivre dans cette voie : « Sauf si pendant ma crise d’ado, je me détourne des livres », confie-t-elle.